Tout ce que vous avez toujours attendu d’un restaurant, sans jamais oser l’espérer : Porte 12.
by Raphaële Marchal
La fluidité.
Boire un verre de Yop d’une seule traite.
Lire L’Invention de Morel sans respirer.
Dévorer toutes les saisons de House of Cards sans savoir quel jour on est.
Laisser fondre, doucement, sur et sous la langue, un caramel de Jacques Génin (mangue passion).
Ecouter Astrazz, regarder Douze Hommes en Colère, dormir dans l’avion, mettre la tête sous l’eau…
Déjeuner chez Porte 12.
Certaines expériences, par leur intemporelle fluidité, prennent toute la place, et vous font suivre une sorte de ligne rectiligne, infinie et sans épaisseur (comprenez ligne droite) qui ne laisse place à absolument rien d’autre que le goût, la contemplation, et le goût de la contemplation.
Passez la porte de Porte 12 (Vincent Crépel, là, tout de suite, pour des raisons rédactionnelles évidentes, ç’aurait été bien d’appeler votre restaurant autrement, histoire que je ne me répète pas) (mais Porte 12 est un excellent choix, ce qui annonce brillamment la suite).
Je reprends. Passez la porte de Porte 12 (Vincent, merci encore) et laissez-vous rappeler, doucement, tout doucement, pourquoi vous êtes là.
Tout s’enchaîne à merveille, sur des tons bleus et dorés, parfait écrin au spectacle du bois, des fleurs et de l’herbe. L’ensemble est d’une cohérence folle, et cela avant même de rencontrer les amuse-bouche. Un peu comme une pièce de théâtre très réussie. C’est comme si Vincent Crépel avait tout porte-douzé, de la carte du jour aux expressions des cuisiniers (que l’on observe en transparence), en passant par le service, les vins, le porte-manteau… Brigadier ? Trois coups s’il vous plaît.
Amusent la bouche donc, deux petites pommes de terre fumées, qui ôtent des lèvres de Coco un enthousiaste « non mais la mignonnerie quoi ».
Amusante et délicieuse première bouchée, fluide (elle prépare le terrain, la maligne mignonnette), fondante et incisive.
Pas si facile de choisir entre dorade et soja, et entre volaille et canard. Vincent choisit déjà le dessert, il ne peut pas tout faire. Dorade, ratte du Touquet et basilic fumé s’avèrent être une formidable réunion de saveurs limpides et efficaces, aux parfaites textures et températures, et surtout (oui, c’est soulignable) à la quantité idéale. Ah et, sublime vaisselle. Mais je ne m’étalerai pas sur toutes les prouesses décoratives du lieu, Porte 12 est au beau ce que François Simon est au chic.
Volaille des Landes, fregola, maïs et… confit de jaune d’oeuf. C’est dans ce genre de folies que vous savez que vous avez à faire à un grand. « Nan mais confit de jaune d’oeuf… », superbe. Au-delà de l’impecabilité des cuissons et assaisonnements, je suis bluffée par la fluidité (coriace !) de ces plats. Tout se suit merveilleusement, une bouchée annonce la suivante, les dosages sont justes, clairs, transparents, c’est ficelé au millimètre prêt, un travail d’orfèvre.
Si je dois être totalement honnête, c’est le dessert signature qui m’a fait du pied le premier, « allez viens, on est bien… ». Je l’avais presque oublié tant le reste a suffit à me convaincre, mais en le voyant arriver, je me suis rappelée pourquoi je l’avais tant attendu, ce Porte 12.
Pousse de brioche glacée, siphon de riz au lait, crumble, riz soufflé caramélisé, poivre de Java. Ce dessert, c’est tout ce que vous avez toujours attendu d’un dessert, sans JAMAIS oser l’espérer. C’est d’une finesse époustouflante, tout doux, tout rond, tout beau, tout bon, tout croustillant, tout fondant, tout crémeux, tout parfait. Non, parfaitement parfait. Douze fois parfait.
Curnonsky, critique culinaire proclamé « prince des gastronomes » s’était permis, à la fin d’un dîner, de bougonner à l’oreille de sa voisine : « si le potage avait été aussi chaud que le vin, le vin aussi vieux que la poularde et la poularde aussi grasse que la maîtresse de maison, cela eût été à peu près convenable ».
Vincent Crépel aurait probablement dé-bougonné Curnonsky. La vie est parfois mal faite.
Porte 12
12 rue des Messageries (Paris 10)
01 42 46 22 64
Fermé samedi midi, dimanche et lundi
Menu déjeuner à 35€
« Porte 12 est au beau ce que François Simon est au chic. »
Ça c’est bien le genre de phrases que me donnent envie de courir en sprint pour découvrir cet endroit, illico presto !
Haha, oui fonces-y Géraldine ! Joyeux Noël ! Raphaële
Un bel article, la cuisine de Vincent Crepel aura au moins le mérite de faire avancer le débat, dans un style créatif j’ai été plus impressionné par Septime ou encore Saturne, tous les goûts sont dans la nature…
Bonjour ! Merci pour ce commentaire, je ne comparerais pas ces cuisines mais effectivement, Septime joue dans la même cour. Un peu moins d’accord pour Saturne… Bonne année et à bientôt ! Raphaële
Splendide article tout en fluidité lui aussi mais surtout il est la parfaite retranscription du spectacle porte douzième. J’ai été quais plus éblouie par le 12 que le septime. A quand la prochaine entrée au paradis ?
Mille mercis, je suis très touchée par votre message. Belle journée et à bientôt ! Raphaële
Bonjour ! Je n’ai pas été aussi emballée de mon côté… Parfois la cuisine d’apparat ne suffit pas à susciter l’émotion. Porte 12 m’a laissée de marbre malgré une précision redoutable dans les cuissons et le dressage des assiettes. Bien trop rigide pour être gourmand tout ça. Ce n’est que mon avis. Voilà le lien de ma modeste contribution à la planète critico-culinaire.
http://onmangequoiii.fr/post/114500312288/porte-12-manque-quelques-cles
Géraldine
Merci beaucoup Géraldine pour votre retour, toujours intéressant d’avoir d’autres points de vue ! Je devais être particulièrement émotive ce jour-là 🙂 j’y retourne bientôt, je vous dirai si mon avis reste inchangé. Belle journée et à bientôt ! Raphaële